De la Hille à la Suisse…
Suite à la Nuit de Cristal, le pogrom mené contre les Juifs par le Troisième Reich dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, des enfants juifs, allemands et autrichiens, sont envoyés par leurs parents dans des homes d’enfants en Belgique pour les mettre à l’abri.
Lorsque l’Allemagne envahit la Belgique le 10 mai 1940, les enfants doivent fuir à nouveau vers le sud, dans des wagons à bestiaux sous les bombardements.
Ils arrivent à Toulouse et sont hébergés à Seyre (banlieue sud de Toulouse) pendant un an, dans des conditions précaires et dans le froid.
Début 1940, dix-sept associations humanitaires suisses constituent un Cartel suisse de secours aux enfants victimes de la guerre dont le siège est à Berne. Maurice Dubois est chargé de la délégation pour la zone sud. Cette délégation installée à Toulouse permet d’aider et de coordonner des homes, foyers-refuges ou colonies d’enfants.
Grâce à Madame Eléonor Dubois, le Cartel réussit à trouver un château inhabité, le château de la Hille à Montégut-Plantaurel en Ariège. Début 1941, des réfugiés espagnols des camps de Rivesaltes, Gurs, aidés par les grands enfants aménagent le lieu et en mai 1941 un groupe de 100 enfants s’installe au château.
Pour ces enfants, une nouvelle vie, faite de grandes joies, de jeux d’enfants, de baignades et de solidarité commence, encadrée par des éducateurs et des enseignants suisses volontaires.
Montégut-Plantaurel en Ariège, petit village de 350 habitants dans les Pyrénées, va veiller sur ces enfants, partager avec eux des moments de convivialité. Une nouvelle classe est ouverte à l’école du village pour accueillir les grands, M. Vigneau sera leur instituteur.
En juillet 1942, la Rafle des Juifs est déclenchée sur tout le territoire. En Ariège, au château de la Hille, le 26 août 1942 les gendarmes français entrent dans la colonie à 5 heures du matin et arrêtent 38 enfants de plus de 16 ans et 2 adultes. En novembre 1942, il n’y a plus de zone libre, toute la France est occupée.
Grâce à la ténacité de la directrice de la Hille, Rösli Näf qui se rend au camp du Vernet, grâce aux responsables Maurice et Eléonor Dubois qui se rendent respectivement à Vichy et à Berne, les enfants de la Hille sont sauvés de la déportation et rentrent au château.
Après cet épisode, la peur s’installe. Les grands qui atteignent 18 ans veulent fuir. Les adultes vont les aider :
- Les couvents vont s’ouvrir pour des jeunes filles grâce à la lettre de Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse, qui sera lue dans toutes les églises.
- La confédération paysanne va placer des garçons dans des fermes où ils seront à l’abri. Quatre des enfants vont décider de prendre le maquis et de se battre. L’un d’eux va être tué en juillet 1944 au maquis de Roquefixade, Egon Berlin avait 16 ans et 6 mois.
- D’autres vont fuir par les Pyrénées vers l’Espagne, certains avec succès, d’autres seront trahis par leur passeur, ils seront déportés et un seul reviendra.
Suite à ces évènements tragiques, l’éducatrice Anne-Marie Piguet, originaire de la vallée de Joux en Suisse, imagine qu’une filière est possible entre la Hille et la vallée de Joux où son père est inspecteur forestier. Pour cela elle se rend chez ses parents, et cherche des contacts : c’est Fred Reymond, suisse et membre des services de renseignements de son pays, qui mettra Anne-Marie Piguet en contact avec Victoria Cordier, jeune Résistante française.
Entre elles deux la confiance s’installe et les liens de la filière s’organisent. Bien sûr à la Hille, les adultes sont complices. Sébastien Steiger fabrique de faux papiers, Rösli Näf supervise l’organisation des départs avec provisions, argent et vêtements chauds.
C’est Addi Nussbaum, prêt à tout pour rejoindre sa sœur en Suisse qui inaugure cette filière. Entre septembre 1943 et mai 1944, huit enfants et un adulte emprunteront cette filière avec succès pour passer en Suisse.